Chronique de septembre 2016 Rêveurs précoces De la nature des rêves (partie 1)

L’encéphale des fœtus — et peut-être même celui des embryons — est déjà capable de générer une sorte de pré-REM (appelé sommeil sismique, ou sommeil actif). Jean-Pierre Changeux, le célèbre neurobiologiste français, fut l’un des premiers à indiquer qu’il en était probablement de même pour les rêves (dans un ouvrage paru en 1983, L’homme neuronal).


Mais de quoi, diable, peut donc bien rêver un fœtus ? Très opportunément, des comportements instinctifs dont il devra faire montre dès la naissance ! Agripper (grasping), téter, exécuter la marche réflexe (équinisme)… En somme, tout ce qui lui permettra de survivre une fois sortit de son cocon aquatique. Comme s’il apprenait son rôle, sans relâche, durant les quelques mois de répétition que la gravidité consent à lui accorder. Ce afin d’être fin prêt le jour de la première… lors de sa spectaculaire entrée sur scène.

Au fait, comment sait-on de quel bois le rêve d’un fœtus se chauffe ? Grâce à l’immaturité de son système nerveux central (SNC), pardi ! En sommeil sismique, l’inhibition motrice consubstantielle au REM n’est tout simplement pas encore opérationnelle. L’échographie obstétrique permet, par conséquent, d’ouvrir une fenêtre — que dis-je, une fenêtre ?... une baie vitrée ! — sur les rêves du fœtus, lesquels sont véritablement agis (à la manière de ceux des patients RBD) dans le ventre de la mère.

Du reste, pratiquement toutes les espèces animales homéothermes (celles qui, à l’inverse des poïkilothermes, fabriquent du REM) rêvent pareillement de séquences de comportements innés (ceci est particulièrement visible dans les expériences impliquant une lésion du locus cœruleus alpha). Le chat, par exemple, passe ses rêves à chasser des souris, fuir des prédateurs, faire sa toilette, s’orienter, exprimer sa rage… Mais chez l’animal, contrairement à ce qui se produit chez l’homme, lesdites séquences ne disparaissent pas au cours du développement ; au contraire, elles demeurent la thématique onirique privilégiée — voire exclusive — tout au long de l’existence.

Chez l’animal, les rêves (ceux rêvés en REM, du moins) se chargent donc essentiellement d’entretenir la mémoire d’espèce (l’instinct), et non la mémoire d’individu (l’identité). Rien de bien étonnant, me direz-vous : chez l’animal, c’est l’instinct qui prime, tout au long de l’existence. Cela dit, une différenciation individuelle (et donc caractérielle) existe néanmoins, mais davantage sur un plan quantitatif. Voilà pourquoi chez certains chats lésés les accès de rage représentent jusqu’à 60 % des comportements rêvés, tandis que chez d’autres ils n’occupent que 20 %…


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