Chronique de juin 2013 Sommeil blessé

L’État de stress post-traumatique survient chez un sujet ayant été exposé - en tant que victime ou témoin - à un événement à valeur traumatique (lors duquel, par définition, la vie ou l’intégrité physique furent menacées) et qui fut, par conséquent, plongé dans un état de sidération et d’impuissance.


Cette expérience étant trop compacte, inassimilable par l’appareil mental, elle est constamment revécue. Le sujet souffre, alors, de souvenirs obsédants relatifs à l’événement, de cauchemars répétitifs s’y rapportant, de l’impression réitérée de revivre l’événement (flashbacks hallucinatoires) et d’une extension de la détresse à des situations analogues (effet tache d’huile, sur le mode « chat échaudé craint l’eau froide »). Enfin, le sujet évite soigneusement tous les stimuli associés à l’événement : pensées, sentiments, conversations, activités, lieux, gens, habits, etc. (cela peut confiner à l’amnésie d’aspects importants du trauma lui-même).

Sur le plan des symptômes, le tableau associe de l’irritabilité, des accès de colère, des difficultés de concentration, de l’« hypervigilance », des réactions de sursaut, de l’apathie, une désaffectisation et de l’insomnie d’endormissement et de maintien. Tout cela concourt à une souffrance morale, parfois difficilement supportable, et altère souvent le fonctionnement social et professionnel.

Insomnies… cauchemars… le sommeil du traumatisé est donc blessé.

Et il peut même l’être de manière relativement spécifique. À telle enseigne qu’une étude de sommeil (polysomnographie) est parfois bien utile pour objectiver la présence d’un État de stress post-traumatique. Par exemple, lorsque l’on procède - dans le cadre de l’évaluation d’une incapacité de travail ou d’une demande de réparation - à une expertise psychiatrique.

Depuis la fin des années quatre-vingt, des études américaines ont montré, en effet, que l’association de certaines perturbations du sommeil pouvait être utilisée comme un marqueur assez fiable du stress post-traumatique. En voici la présentation classique. Des cauchemars (liés au trauma) ont lieu en stade 2 (sommeil léger) - et non pas en REM (sommeil paradoxal), comme attendu. Les muscles sont tendus en REM - alors que le relâchement est la règle. Le REM est trop fréquent, trop long, trop dense (les mouvements oculaires y sont trop fréquents), trop précoce et trop fragmenté par de petits éveils persomniques. À cela s’ajoutent des signes moins spécifiques : insomnie de début et de milieu de nuit, hyperventilation nocturne…

Mais certaines études sur la résilience (l’aptitude à se développer malgré le trauma, voire même à métamorphoser ce dernier en opportunité) ont montré que le sommeil pouvait aussi être une source de réparation !

Un sujet « normatif » réveillé en plein REM rapporte un rêve dans 80 à 90% des cas, le fait est connu depuis les années cinquante. Les études menées par Peretz Lavie (pionnier de la somnolgie en Isarël), au Technion de Haïfa, ont montré que des survivants de la Shoah non résilients (souffrant donc d’un état de stress post-traumatique) n’en rapportent que dans 55% des cas, et des survivants résilients (sans traumatisme donc) n’en rapportent, eux, que dans 33% des cas.

L’interprétation de ces résultats étonnants est que l’effacement des rêves semble agir comme un mécanisme de défense psychologique. Ce dernier étant visiblement davantage utilisé par les résilients que par les non résilients…


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