Chronique d’avril 2018 Les briques et non la maison en tant que telle

L’approche neurocognitiviste n’est guère plus réjouissante que celle d’Hobson et McCarley. Pour George W. Domhoff (dit Bill, à cause de son second prénom : William) — psychologue et sociologue à l’Université de Californie Santa Cruz (l’UCSC, pourtant l’un des établissements les plus progressistes des États-Unis), au sud de la baie de San Francisco —, seule s’avère pertinente une froide « analyse de contenu ».


La recette est la suivante : découper le rêve en ses plus petites unités sécables, puis examiner, individuellement, chacun de ces « atomes de rêve ». Le neurocognitiviste choisit donc de s’arrêter aux « hallucinations » (les briques de la maison [on pourrait aussi dire les images du film]) plutôt que d’aller jusqu’au rêve lui-même (la maison en tant que telle [le scénario du film]). Dans ce modèle, toute association ou interprétation visant à donner sens au rêve en tant qu’un tout est donc nulle et non avenue. Par certains côtés, la démarche de Domhoff s’apparente davantage à celle de l’éthologue (lequel s’attache à décrire, le plus précisément possible, le comportement étudié, micro-séquence par micro-séquence) qu’à celle du psychologue (lequel cherche avant toute chose à expliquer le comportement étudié… à lui trouver un sens et une fonction).

Malgré nos (légitimes) réserves, ce modèle a tout de même le mérite d’avoir suscité de nombreuses recherches quantitatives… dont les résultats ont permis de compléter, avantageusement, les chiffres fournis par Mary (cf. chronique de février 2017), tout en les actualisant.

À titre d’exemple, voici les chiffres obtenus par Domhoff lui-même, dans une étude transculturelle et appariée selon le sexe réalisée en 2008 sur un matériel de 250 rêves récoltés au sein de 12 cultures différentes — Indiens hopis et Inuits compris ! —, de la Suisse à l’Inde.

Pourcentage de :

rêves mettant en scène un ami : 16 % des hommes, et 37 % des femmes,
rêves mettant en scène un agresseur : 50 % des hommes, et 33 % des femmes,
rêves mettant en scène la sexualité : 20 % des hommes, et 4 % des femmes,
rêves mettant en scène un cadre familier : 61 % des hommes, et 77 % des femmes,
rêves se déroulant à l’intérieur de la maison : 49 % des hommes, et 61 % des femmes.

Auriez-vous pu imaginer que des contenus oniriques prélevés aux quatre coins de planète puissent se conformer à ce point à des stéréotypes sexistes aussi éculés ? Or donc, et ce d’où qu’ils viennent, il apparait que, dans leurs rêves, les hommes privilégient la castagne et le sexe, alors que les femmes marquent une nette préférence pour le foyer et les copines.

Même au sein des théories les plus arides — celles qui leur dénient jusqu’au droit d’avoir un sens —, les rêves ne peuvent s’empêcher, semble-t-il, de dire des choses qui ont du… sens.


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