Chronique d’octobre 2022 Constructivisme, sciences naturelles et rêves (Le modèle constructiviste, partie 3)

Mais n’allez pas croire que le modèle constructiviste se cantonne aux sciences humaines, loin s’en faut.


En ce qui concerne la physique, par exemple, il est au cœur même de la théorie relativiste. Dans son article de 1905 sur la relativité restreinte, Albert Einstein démontre que, excepté la vitesse de la lumière (l’unique constante de l’univers), tout est relatif. C’est-à-dire que la manière dont le monde nous apparaît est toujours liée aux conditions de la mesure (et singulièrement à la vitesse de déplacement de l’observateur qui effectue cette mesure).

La physique quantique, sa grande rivale à la même époque, va même encore plus loin. Max Planck, Niels Bohr et leurs nombreux disciples vont montrer, en effet, qu’à l’échelle des particules élémentaires, l’observateur créé le phénomène observé (la direction du spin d’un électron, par exemple) par le fait même de son observation (autrement dit, de sa mesure) ! À l’échelle macroscopique, c’est comme si le pêcheur faisait apparaitre la carpe au bout de son hameçon, alors que, jusque-là, elle occupait tout l’espace de l’étang ! En deçà de cet acte fondateur qu’est l’observation (la mesure), le phénomène est dit « indécidable » : il est toutes ses possibilités à la fois…

Au début des années 1980, la biologie, en bonne dernière, clôt le cortège des sciences naturelles impactées par le paradigme constructiviste. À travers la théorisation des biologistes (et philosophes) chiliens Francisco Varela et Humberto Maturana essentiellement (théorisation dont, incidemment, la thérapie systémique « de second ordre » va largement s’inspirer). Travail portant, d’une part, sur la notion de « qualité émergente » : une réalité créée de toutes pièces par l’interaction des parties en présence (comme un embouteillage se forme à l’heure de pointe), et, d’autre part, sur le concept d’« autopoïèse », l’auto-organisation des systèmes vivants (à commencer par celle de la cellule, laquelle parvient à conserver sa structure, malgré la forte pression à la désorganisation [entropie] exercée tant par l’environnement que par le temps qui s’écoule).

La notion de constructivisme nous étant, à présent, un petit peu plus familière, reprenons le cours de notre réflexion sur le lien qu’elle entretient avec les rêves.

Jadis, lorsqu’un Indien d’Amérique du Nord rêvait qu’un serpent l’avait mordu, il se soignait immédiatement au réveil !

Aujourd’hui, encore, dans certaines sociétés traditionnelles amérindiennes, l’on est convaincu de poursuivre, au réveil, le rêve interrompu la veille, lors de l’endormissement !

Depuis mon plus jeune âge, il m’arrive également de jouer, de temps à autre, avec cette idée fantasque : la vie réelle est vécue durant le sommeil (elle est constituée par la succession de nos prétendus « rêves »), la vie rêvée est vécue pendant l’éveil (nous la retrouvons lors de chaque interruption de notre sommeil) !


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