Chronique de février 2018 L’irreprésentable

Naguère, une étude réalisée sur un petit échantillon de quatre cosmonautes (astronautes russes) avait révélé que ceux-ci n’avaient jamais rêvé de leur aventure spatiale ; ni avant, ni pendant, ni après !


Cette aventure était-elle à ce point étrangère à l’expérience terrestre commune qu’elle ne pouvait, dès lors, trouver à se représenter (engendrer des représentations mentales) lors du travail de mentalisation morphéique (« On ne tombe pas hors du monde lorsque l’on rêve », dixit Sigmund Freud) ? Ou bien, pour user d’une terminologie plus jungienne, était-ce parce que cette expérience ne répondait à aucun archétype répertorié, et pour cause ?

Quoi qu’il en soit, un même déficit en vestiges des jours (« traces mnésiques », pour les freudiens) a été enregistré dans plusieurs études récentes. Comme chez ces émigrants africains qui ont transité quelques mois par Paris, et dont aucun rêve n’a pris la Ville-Lumière pour cadre. Ou encore chez ces individus qui ont subi une période d’incarcération, et dont pas un seul rêve ne s’est donné la prison pour décor. Des expériences de vie probablement irreprésentables par les dispositions mentales morphéiques dont étaient initialement munies ces personnes.

Jamais à court de matériel, Jouvet (qui est malheureusement décédé en octobre 2017) rapporte le cas d’un poète espagnol enfermé dans les geôles de Franco pendant une période de vingt-trois années. Au cours de ses dix premières années de réclusion, pas un seul de ses rêves ne s’était déroulé en prison… Six mois après sa libération, tous ses rêves se déroulaient encore en prison !

Caprices de digestion mentale.


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