Chronique de novembre 2016 Des relations très haut placées De la nature des rêves (partie 3)

Le mois passé, nous avons vu que la dimension verbale était essentielle dans le processus onirique. En poussant la réflexion un petit peu plus loin, nous allons découvrir qu’il en est de même de la dimension relationnelle.


Il apparaît, en effet, qu’un rêve est non seulement un scénario, mais également une narration. Et pour qu’il y ait narration, il faut qu’il y ait relation !

Tout rêve a pour vocation d’être raconté. À autrui, bien sûr… mais également à soi-même ! Ne serait-ce que par le biais de l’effet rétroactif de sa propre parole : on s’entend dire, en disant. Mais aussi par l’entremise du soliloque, ou, tout simplement, du discours in petto. Se parler, c’est rentrer en relation avec soi-même, avec une autre facette de soi, avec cet autre qui est en soi (« Je est un autre », proclamait Arthur Rimbaud, dans sa lettre dite du Voyant).

Ce primat de la relation impose un nouveau crédo : celui qui n’est pas en relation, ne rêve pas ! Sans relation, point d’onirisme (ce qui est une évidence pour tout psychanalyste qui se respecte,).

Si l’on admet ce postulat — encore plus radical que le précédent —, le rêve qui existe vraiment n’est ni celui produit, ni celui mémorisé, ni même celui simplement verbalisé, mais bien celui raconté à quelqu’un (même si ce quelqu’un n’est autre que soi-même), dans le cadre d’une relation spécifique. Ce n’est qu’à l’intérieur de cette réalité affective et relationnelle, conditionnée par la nature de la relation nouée entre le narrateur et l’auditeur, que le rêve pourra prendre tout son sens… et que son message pourra être, éventuellement, délivré.

Pour prendre un exemple lié à mon activité professionnelle, si le rêve est raconté à un thérapeute, le contexte relationnel sera qualifié de « transférentiel/contre-transférentiel » (selon la terminologie psychanalytique) ou de « résonateur/autoréférentiel » (selon la terminologie systémique). Et cet élément devra être pris en compte, bien évidemment, dans toute tentative d’exégèse.

Pour Freud, le rêve est un récit adressé à l’analyste, lequel est objet de transfert (amour et/ou haine). En dehors de cette relation transférentielle, le message du rêve demeure hors d’atteinte. Dans le contexte de la cure, un rêve n’existe pas « en dehors de la situation qui l’actualise comme un récit d’amour ou de haine adressé à quelqu’un.. On rêve “à quelqu’un” avant que de rêver “de quelque chose” » (Roland Gori [psychanalyste et psychopathologue français], La preuve par la parole, 2008).

Si un patient ayant rêvé d’un jeune Ivoirien (cf. précédente chronique) décide de raconter ce rêve à son thérapeute, ce qu’il est en train de dire (« Je n’y vois rien »), il ne le dit pas à n’importe qui, ni n’importe quand ! En dehors de ce contexte relationnel, « le message n’aurait aucun autre sens que celui d’un bon mot, d’un trait d’esprit » (ibid.)

En dehors du récit qu’un être humain peut en faire à un autre être humain (voire, à lui-même), au sein d’une relation sui generis, ces étranges états de conscience modifiés, baptisés « rêves », ne signifient strictement rien !


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