Chronique de juin 2025 Le peuple Senoï (Vivre pour rêver, partie 1)

Vivre pour rêver. Un titre à la « James Bond », pour évoquer ce que les ethnologues appellent les « dream cultures ».


De par le vaste monde, il existe des peuplades pour lesquelles la vie consiste, essentiellement, à rêver !

Certaines de ces ethnies ont fait l’objet de recherches approfondies.

C’est le cas des Mojaves : Amérindiens d’Arizona et de Californie (étudiés par Georges Devereux, le père de l’ethnopsychiatrie), des Záparas : Amérindiens de la forêt amazonienne péruvienne et équatorienne (étudiés par Anne-Gaël Bilhaut, de l’Université de Paris-X Nanterre) et des Ibans : Dayaks de Bornéo (étudiés par Olga Quadens, neurophysiologiste belge).

Le peuple Sénoï, des régions montagneuses de Malaisie — totalisant près de cent mille aborigènes (la population a été décimée entre les années 1940 et 1970, sous l’effet cumulé de l’invasion japonaise et de la déforestation) —, et tout particulièrement la branche des Temiars (comptant une trentaine de milliers d’individus), fut probablement la dream culture la plus étudiée de toutes. Essentiellement par Kilton Stewart (dans les années 1930-1940), et par Patricia Garfield (dans les années 1970).

Dès le plus jeune âge, les Sénoïs apprenaient à se souvenir de leurs rêves, par le biais de techniques d’autosuggestion bien connues, de nos jours, des onirologues et des somnothérapeutes.

Ils apprenaient également à faire des rêves lucides (des rêves identifiés comme tels au moment même où ils sont vécus). L’intérêt principal résidant dans le fait de pouvoir orienter le récit à sa guise (favoriser l’appétitif, et éviter l’aversif)… ou, pour le moins, d’être capable, en cas de cauchemar, de se dire : « Pas de panique, ceci n’est qu’un rêve ! ».

Durant leurs rêves, les Sénoïs parvenaient, grâce à ces apprentissages, à se faire des amis, à s’allier aux forces hostiles, à donner et à recevoir des cadeaux, à voler dans les airs… à se faire plaisir, quoi !

Mais, surtout, c’était le préambule à un journée qui allait être conditionnée par les rêves !

Au lever, les rêves étaient racontés en famille.

Puis on allait les raconter en groupe, en présence de l’homme-médecine (le chaman).

Le restant de la journée, on s’efforçait d’adopter une conduite qui soit, tant que faire se peut, en adéquation avec les rêves racontés (les siens, comme ceux de la famille, ou du groupe), ainsi qu’avec les commentaires émis par le chaman.


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