Parvenus à ce stade de la réflexion sur les croyances oniromythologiques, marquons une petite pause et procédons à une première analyse.
Dans les modèles examinés jusqu’ici, soit les modèles :
préhistoriques,
hébraïques,
nordiques,
hindouistes,
bouddhistes,
grecs antiques,
et tribaux…
auxquels on peut adjoindre, sans hésiter, le modèle « New Age », auquel adhèrent, depuis les années 1960-1970, nombre d’Occidentaux en mal de sens et aux croyances « superstitieuses » (27 % des Belges, selon un récent sondage)¹,
quatre points essentiels se dégagent :
1. le monde d’où surgissent les rêves est invisible,
2. ce monde invisible est surnaturel, et, par conséquent, extérieur au dormeur (ce dernier étant entièrement naturel),
3. soit un être surnaturel vient rendre visite à l’âme du dormeur, soit l’âme du dormeur s’en va rendre visite à un être surnaturel,
4. les rêves ont pour office d’annoncer l’avenir.
Le négatif (presque) parfait des modèles onirologiques aujourd’hui prégnants, donc !
Pour ces derniers, en effet, le monde invisible d’où sont expédiés les rêves (seul point commun aux deux familles de modèles) est non seulement parfaitement naturel, mais il est, en outre, logé à l’intérieur même du dormeur (la psychanalyse le nomme « Inconscient », la neurobiologie « Zone chaude corticale postérieure »). Et si d’aventure le rêve renseigne sur quelque chose — ce sur quoi les avis des spécialistes divergent largement —, c’est essentiellement sur le passé du dormeur, et non sur son avenir.
Pour l’heure, nous garderons à l’esprit que les modèles oniromythologiques procèdent d’un paradigme du monde extérieur.
¹Dans un ouvrage paru en 2002, Le spectre et le voyant, Christophe Ponce (philosophe mué en ethnologue, pour l’occasion) rapporte qu’en Islande — pays occidental, dont la population est d’origine et de culture européenne (et non inuite), dont la religion est le protestantisme luthérien et dont l’économie est extrêmement florissante (jusqu’à la crise financière de 2008, le PIB/habitant y était le plus élevé au monde !) —, les dormeurs sont, selon l’oniromythe partagé par le plus grand nombre, visités par des morts (essentiellement des revenants [et non des fantômes]), dont l’office est d’annoncer soit une grossesse, soit une mort imminente (ainsi que le font, avec force cris, les Banshees de la culture celtique irlandaise). Traditionalisme insulaire et septentrional faisant ressortir la veine oniromythique toujours bien vivace chez l’homme occidental post-moderne.